de l'importance du motif. jules maciet ou l'utopie du classement

bibliothèque du musée des arts décoratifs paris (FR)

solo show

 

 

11.09.2017 - 12.01.2018

curator Chantal Lachkar

site specific installation

wallpaper flap pockets 120cm x 52cm each, made in 562 different wallpapers

coming to cover 1624 out of 5000 albums of the Maciet collection

crédit photo © Martin Argyroglo

 

→ perennial work

→ voir le film sur le projet : réalisation baptiste houssin

Dans son hommage à Jules Maciet, devant les membres de la Société du Louvre, le 12 janvier 1912, Raymond Koechlin, soulignait devant ses condisciples, le rôle important qu’avait tenu Jules Maciet dans le renom et l’éclat du Musée des Arts décoratifs.

 

Collectionneur passionné et généreux, Jules Maciet ne fut pas seulement un grand donateur pour le Musée, mais, rappelle- t-il, « l’œuvre la plus originale, celle où il y a mis le plus de lui-même est encore la Bibliothèque des Arts décoratifs » Maciet, qui déclarait, « qu’en matière d’art il tenait l’éducation livresque pour détestable » et que ce « qu’il savait en matière d’art, il l’avait appris non dans les livres mais à bien ouvrir les yeux dans les expositions et les musées, et à regarder gravures et photographies », s’attacha, de 1885 à 1911, date de sa mort, à doter la bibliothèque d’une masse considérable d’images, modèles du savoir et du savoir-faire à l’usage du public.

 

Dans un long et patient travail de collecte, de découpe, de collage et de classement, il conçoit ainsi une encyclopédie d’un million d’images en 5000 albums, dont le classement alphabétique en 493 catégories devait obéir à la règle primordiale de la simplicité d’accès.

 

Chasseur d’images insatiable, travailleur compulsif, il disait quelques mois avant sa mort : « Si j’avais encore dix ans devant mois, on trouverait tout ici ! »

 

À l’instar des bibliothécaires borgésiens de Babel qui cherchent le livre qui lui donnera la clé de tous les autres, l’encyclopédie qui porte désormais son nom est une tentative d’ordonner le monde pour le comprendre. Lorsqu’on l’aborde pour la première fois, sa forme et son ampleur nous fait osciller entre l’illusion d’un univers ni et le vertige d’un monde insaisissable. C’est bien cette tension entre l’ordre et le désordre, le fini et l’infini, la règle et le hasard de la collecte propre au chasseur d’images et au collectionneur d’objets, dont Mehryl Ferri Levisse parle dans son installation à la Bibliothèque des Arts Décoratifs.

 

Fasciné par les objets du quotidien, bibelots, tapis, tissus, trophées, napperons, poupées de porcelaine,... et les papiers peints des maisons de son enfance, il les collectionne et en construit des décors dans lesquels il se met en scène. Habillé toujours de noir, celui dont le travail ne parle que de motifs et de couleurs, interroge notre espace et l’environnement quotidien qui nous rassure. C’est ainsi que Mehryl Ferri Levisse, s’est glissé dans les pas de Jules Maciet et de sa volonté de cartographier le monde. À la linéarité du classement alphanumérique comme code

d’accès au savoir et aux savoirs-faire, il substitue une grammaire colorée qui guide notre regard.

 

En recouvrant scrupuleusement de papiers peints différents les premiers albums des 493 (+1) thématiques, qui pour Maciet compose le savoir, il marque les albums d’une sorte de tatouage éphémère. L’encyclopédie qui tapisse les murs de la salle de lecture se transforme ainsi en un grand carnet de voyage qui invite à l’exploration.

 

Tandis que Jules Maciet s’est efforcé durant plus vingt-cinq années de construire un outil simple et généreux pour la compréhension du monde, Mehryl Ferri Levisse, en le revêtant de motifs familiers et rassurants, nous en livre une version intuitive et chaleureuse.

 

text by Chantal Lachkar

directrice de la bibliothèque des arts décoratifs

 

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