libellenbiss56

cda gallery casablanca (MA)

solo show

 

 

14.12.2022 - 28.02.2023

curator Florence Renault Darsi

site specific installation :

wallpaper, costumes, masks, photographs, performance, fabric sculpture, curtains, molluscarium

crédit photo © Ayoub Allali, Mehryl Ferri Levisse

texte de salle

 

LIBELLENBISS56… Mais que dissimule ce code énigmatique ? Un lieu secret ? Une nouvelle planète ? Un réseau occulte ?

Un nouveau night club ?

 

LIBELLENBISS56, c’est une immersion dans un univers fantasmagorique, peuplé de créatures mystérieuses aux corps et aux visages dérobés… Un monde singulier, où se cachent, se côtoient et dialoguent, mythologies, réminiscences, fictions populaires et réalités contemporaines. Un monde, habité de présences tout aussi inquiétantes que séduisantes, ni totalement humaines, ni vraiment animales, qui investit littéralement l’espace de la galerie dans une prolifération quasiment bactérienne de motifs, d’ornements, de matières et de couleurs. LIBELLENBISS56, c’est un microcosme, ultime échappatoire des altérités, à la fois poétique et grinçant, qui dissimule en même temps qu’il dévoile les incohérences du quotidien et les idées reçues, dans une débauche saturée de signes et de symboles. Un monde qui se joue des frontières du tangible et où s’opèrent les mutations  trans-ordinaires de nos pensées souterraines.

 

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LIBELLENBISS56...

 

Une expérience d’emblée immersive se signale avant même d’entrer dans l’espace intime de la galerie. Dans la vitrine, une combinaison intégrale aux rayures improbables s’est échouée sur le dossier d’une chaise, comme une peau trop encombrante. Au sol, un masque et des accessoires laissent deviner que ces reliques ont été habitées d’un corps... Un corps anonyme et occulté, qui le temps d’une danse solitaire et dans l’effervescence d’un vernissage, annonce l’univers fantasmagorique convoqué dans l’exposition.

C’est que le corps est omniprésent dans le travail de Mehryl Levisse, un corps le plus souvent dissimulé, dont la présence et l’absence semblent parfois se confondre, tant il devient motif dans le motif. Un corps objet, matière malléable à l’infini, qui se mêle subrepticement aux mises en scène photographiques de l’artiste ou se glisse dans les costumes hybrides de ses “créatures“ pour les “activer“. A moins que ne ce soit finalement le contraire... Car c’est aussi sur ces ambiguïtés et ces artifices que travaille Mehryl Levisse, que ce soit dans les motifs imbriqués d’un papier peint ou d’une tenture, dans l’installation – apparemment – de bric et de broc de ses “performances de l’intime“1, dans les assemblages méticuleux d’un costume.

 

Dès l’entrée on est plongé dans la prolifération quasiment bactérienne de motifs, d’ornements, de matières et de couleurs, qui investissent littéralement l’espace. Dans cette débauche de détails où le regard s’enivre, on identifie parfois un objet, un élément, stigmates d’un quotidien ordinaire et de la vie casablancaise de l’artiste. Une histoire se profile et chaque protagoniste en devient un énigmatique indice. Ici, des têtes pétrifiées, étranges stalactites et stalagmites échappées d’une grotte, temple souterrain de rites magiques et de sorcellerie, lieu de renaissance et de transformation. Là, des masques nous observent, empreintes d’âmes errantes, identités cachées, miroirs de nos émotions. Un peu plus loin, un personnage assis, englouti dans son habit de couverture, cristallisation fictionnelle d’une réalité urbaine et de l’histoire bien réelle des oublié.e.s de la rue.

Mythologies, signes et symboles se cachent, dialoguent et se côtoient, comme autant de brouillages qui font ressurgir idées reçues et fictions populaires. Car le chaos apparent des scénographies de l’artiste est toujours le fruit d’une organisation rigoureusement pensée et théâtralisée. Chaque entité y endosse le costume de son rôle, un rôle à rebours des normes sociales et culturelles, qui signale sa présence par l’absence ou l’anonymat, se suggère plus qu’il ne s’impose.

 

LIBELLENBISS56 est un microcosme, ultime échappatoire des altérités, tout à la fois cour des miracles, scène de carnaval et rituel chamanique... Un monde qui se joue des frontières du tangible et où s’opèrent les mutations trans-ordinaires de nos pensées souterraines. Et si tout nous y semble minutieusement caché, c’est pour mieux dévoiler, car dans cet espace parallèle c’est dans la dissimulation que les masques tombent.

 

text by Florence Renault Darsi

critique, historienne de l'art, commissaire et directrice artistique

 

 

tous droits réservés © mehryl ferri levisse / adagp 2023

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