mehryl ferri levisse
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les théâtres de mehryl ferri levisse
la collection monstrueuse ou la domestication des anomalies
esthétique du corps neutre, plasticité critique
mehryl ferri levisse : l'homme objet
la complexité du "je" d'enfant
l'éternité n'est pas une abstraction
ceci n'est pas de la photographie
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the space for a certain energy : mehryl ferri levisse interviewed
mehryl ferri levisse / interview
agreed roles : fetish and theater in the masks of mehryl ferri levisse
mehryl ferri levisse's staged dreamworlds invoke family tradition and bdsm
mehryl ferri levisse's intimate world
french artist mehryl ferri levisse brings bdsm fantasy to the bowery
Floriane Demersseman
Des corps & décors
décembre 2014
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Des œuvres faisant référence à un univers psychique bien réel, légères et intenses à la fois ; comme si le dit si bien Florian Gaité «La force de ces images tient à leur manière d’interroger les peurs et désirs du monde contemporain par les formes imaginées qu’elles produisent». Un corps qui souffre, un décor qui sourit. Le geste artistique est ambigu, l’interprétation parfois difficile... Mehryl Ferri Levisse nous fait voyager dans cet univers décalé mêlant corps et décors. Il est difficile de définir ses œuvres, comme il est difficile pour lui même de se définir à travers une pratique artistique. Mehryl Ferri Levisse est «un croisement». À la croisée de formes artistiques, ce jeune artiste nous invite à découvrir des performances plastiques, photographiques, chorégraphiques...
Mehryl Ferri Levisse puise son travail plastique d’une démarche sociologique, use des codes sociétaux pour les replacer dans son travail. Le point de départ : ses souvenirs d’enfance, un décor idyllique. Le point d’arrivée : une œuvre décalée, un message fort et nuancé par cette esthétique colorée.
Désireux d’entraîner le spectateur dans un espace fait de récits, d’images et d’intimité, il ne donnera point de détails à son public, avec la préférence du «laisser place à l’imaginaire». Imaginaire qui nous fait souvent penser la limite de la provocation, l’enfance perturbée... Or, ce n’est pas directement de cela dont il veut nous parler. Lorsque l’on est persuadé de traduire ses œuvres par un «passage enfance / adulte», on s’étonne lorsqu’il nous parle de rituel. Mehryl Ferri Levisse exprime, interprète le rituel. Comment ritualiser le quotidien par de petits gestes, des actes manqués, des habitudes?
«L’enfance, la fête, le corps, la sexualité font partie du rituel. On ritualise tout, donc pour moi la question de l’enfance est présente mais non dominante».
Critique de ces images où un visage pleure pour montrer la tristesse, il va chercher plus loin, la manière de transmettre, de représenter ce moment avant que tout bascule. Il travaille sur cet instant avant que tout dérape, avant que le corps ne bouge, on est sur un moment de catharsis, un entre deux...
Cet artiste en devenir expérimente des modes de démonstrations de la photographie, du corps. Ce corps, son corps, cet outil... Parce que c’est performatif, parce que le corps est performatif et que, venant du milieu de la danse, il a cette démarche de performeur : cette volonté d’impliquer autant son corps que de voir le spectateur face à son œuvre.
«Mon corps est modulable, malléable, adaptable c’est pour moi une évidence de travailler avec».
Corps qui, selon ses mots, sont un geste de la société sans lequel l’art n’existerait pas. Ce corps multiple qu’il n’assimile pas toujours comme le sien mais qu’il substitue à la forme végétale, animale, au masculin comme au féminin. Son corps est sa méthode de communication, cet élément essentiel à sa création.
Au-delà de «l’utopie» du corps, les œuvres de Mehryl Ferri Levisse sont aussi l’expression de révoltes ; emmitouflées, cachées par tous ces éléments décoratifs, c’est au public lui même de comprendre l’envers du décor. «Parce que ce n’est pas que politique, que social, que fictif ou que sexuel, c’est vraiment un mélange de tout!». C’est ce qui fait l’œuvre, c’est la signature de Mehryl Ferri Levisse.
Au salon de la jeune création, cet artiste nous présente quatre photos dans lesquelles des pièces de Lego® viennent se substituer aux visages, enfermant les corps dans leur solitude. Son «dernier jeu», pour lequel il détourne de manière artistique les règles du Lego® et nous en propose un cercueil est un choix subtil, un clin d’œil à l’histoire du 104, anciennes pompes funèbres.
Qu’on les aime ou non, ces œuvres provoquent des sentiments, attisent la curiosité, attirent le regard, invitent à se questionner; le regardeur peut s’imaginer ce que l’artiste cherche à montrer. Le visiteur se retrouve alors troublé, souriant, indigné, intrigué, comme j’ai eu l’occasion de l’observer. Le rituel se met a exister, provoquant ambiguïté de ce moment si particulier. De cette expérience d’altérité, sa pensée difficile à expliquer est traduite par des œuvres pourtant si agréable à regarder.
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