mehryl ferri levisse

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mehryl ferri levisse's staged dreamworlds invoke family tradition and bdsm

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french artist mehryl ferri levisse brings bdsm fantasy to the bowery

Janice Szczypawka

Face-à-face et corps-à-corps

décembre 2014

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Une tête de biche, un peu de dentelle, quelques objets, de la couleur, de l’humour, du papier, de la poésie, une bonne dose d’imagination, et un corps humain. Dans ses captations photographiques, Mehryl Ferri Levisse nous dévoile un univers mystique où se mêlent jeu et rituel. Ayant suivie une formation en danse classique, modern-jazz et contemporaine, sa démarche passe d’abord par la performance qui le conduit à interroger le corps dans toute sa splendeur. Il côtoie ensuite l’univers des arts plastiques qui lui apporte une grande sensibilité picturale. La rencontre de ces deux univers, combinée à quelques ingrédients, nous transporte vers des scènes de vie, des scènes de rêves, des scènes de Jeu.

 

«Je ne suis pas photographe, je suis plasticien» dit-il.

 

Mehryl Ferri Levisse est un créateur. Un créateur d’environnements, comme il les appellent. N’ayant jamais recours à la retouche informatique, il emploie des techniques purement plastiques qu’il lie à une créativité débordante.

La photographie est une trace documentaire de ses mises en scène. Elle lui permet de conserver une empreinte réelle de ses univers oniriques. La photographie a pour l’artiste un double usage. Elle est à la fois une œuvre et la représentation d’une autre : l’objet plastique crée lors de la séance photo / construction. Ainsi, Mehryl Ferri Levisse voit en la photographie un moyen d’arriver à ses fins et non pas, comme le photographe le dirait, une fin en soir.

Les environnements qu’il construit nous transportent vers des époques différentes. Ainsi, aucun cadre spatio-temporel n’est clairement défini. Nous pouvons aussi bien nous retrouver au cœur de la mythologie grecque dans Le Cheval de Troie, que devant une scène de travestissement au milieu d’un Ensorcellement par les cornes. Nous pouvons aussi être témoin d’un face-à-face entre homme oiseau et un canard dans Collectionneurs d’âmes. Il s’agit bien d’une manière originale d’aborder le monde.

 

«L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art» Robert Filiou

 

Pour élaborer ses compositions, Mehryl Ferri Levisse fait généralement appel à des proches, à des corps qu’il connaît. Il les manipule avec précision, tout autant que les «décors» qu’il façonne. A l’ère du numérique toujours plus performant et abordable, Mehryl prend une direction singulière. Ses œuvres naissent d’un corps palpable, qu’il soit humain ou plastique. Il imagine ses scènes sans retouche numérique, avec pour seule finalité, l’œuvre qu’il aura photographiée. Se construit alors une position politique de l’artiste. Mehryl préfère le manuel à Photoshop. Ses créations sont à l’image de cette prise de risque ; ambitieuse de par leurs propos et décalées.

 

Le numérique résout un grand nombre de problèmes : luminosité, contraste, couleurs etc. Tout devient possible durant le production. Mehryl Ferri Levisse pousse le spectateur de ses œuvres à adopter un œil nouveau, plus alerte quant à l’Art de manière général. Habitués à des images standardisées, nous nous interrogeons face à celles de Mehryl. Son travail dépasse le cadre de l’art. Il replace la question de la représentation du processus de création, comme caché à travers ses captations, en proie à être découvert si on s’y intéresse. Dans ces captations photographiques, on voit l’œuvre et l’artiste.

 

Le masque est très présent dans le travail de l’artiste. Plusieurs raisons expliquent son utilisation. Il s’agit d’abord d’un choix esthétique mais la question de l’identité est également importante. Le corps est lié au masque, le masque lié au corps, ils sont indissociables et forment, ensemble, une nouvelle identité. «Le masque nous regarde. Il permet d’imaginer une voie que le corps peut prendre. Les possibles m’intéressent plus que les devenirs car l’imagination surplombe toute forme concrète» rapporte l’artiste.

La dimension festive, joviale exprime à son tour assez clairement la présence du masque. «Je veux fêter mon anniversaire avec toi». Cette dimension est accentuée par l’utilisation de couleurs et de guirlandes, de ballons, de serpentins, et d’un gâteau d’anniversaire. Des bougies de cire dégoulinent et recouvrent le visage du personnage dans La Cérémonie de la calamité. Pourra t-il s’attaquer aux mets ?

 

Face au travail de l’artiste, nous ne pouvons guère ignorer ce jeu de textures, de matières. Nous souhaiterions rejoindre ce personnage entouré de velours, de fourrure, qu’elle soit fausse, on l’espère, et de douceur suggérés dans La Monture. Néanmoins la position inconfortable du personnage saute aux yeux. restons donc à notre place, hors cadre.

Au centre de cet univers déjanté, faussement enfantin, à la décoration kitsch, il y a l’emploi généreux de couleurs chaudes et réconfortantes. Pourtant, les personnages sont régulièrement dans des postures inconfortables. ils vivent des situations compliquées qui, malgré tout, semblent assez amusantes. On ressent donc une ambiguïté entre l’inconfortable et le confortable, entre le jeu, généralement spontané et l’exécution d’une situation qui n’est pas naturelle. Et si Mehryl Ferri Levisse, de ce geste ambigu entre l’œuvre et la vie, n’interpellait par le spectateur quant à ce qu’il croit voir ?

 

Le travail de Mehryl Ferri Levisse questionne la place du corps, son expression, sa capacité d’adaptation.

 

Jouer. Rejouer. Théâtraliser le quotidien. Poétiser l’habituel. Ritualiser l’usuel.

 

 

 

 

 

 

 

 

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